jesuis un etudiant camerounais j'ai un bac electronique jaimerais apprendre la programmations des pics et c'est pour cela que jaimerais savoir si quelqu'un peu m'aider en me donnant le livre suivant au format pdf '' Les microcontrĂŽleurs PIC pour les dĂ©butants qui veulent programmer sans patauger'' de remy mallard Une comĂ©die policiĂšre EnlevĂ©e, piquante, souvent trĂšs drĂŽle, qui commence Ă  Londres, Ă  Brick Lane, quartier branchĂ© oĂč vit une forte communautĂ© d’Indiens, de Pakistanais et de Bangladais. Le narrateur l’apprĂ©cie notamment parce que tout le monde ou presque parle bengali et qu’on y trouve toutes les petites douceurs de Calcutta qu’il adore. Ce narrateur s’appelle Kamil, la trentaine, un poil naĂŻf et plutĂŽt fleur bleue. Il est serveur dans un restaurant tenu par des amis de ses parents. Trois mois plus tĂŽt, pourtant, il entamait une brillante carriĂšre d’inspecteur de police Ă  Calcutta qui a brutalement tournĂ© court. Jusqu’à le contraindre Ă  sauter trĂšs vite dans un avion. Figurez-vous qu’il avait Ă©tĂ© placĂ© sur une enquĂȘte trĂšs sensible l’assassinat dans une suite du Grand HĂŽtel d’un acteur star de Bollywood, retrouvĂ© nu sur le tapis en soie du Cachemire, le crĂąne fracassĂ© par une statuette de Kali. Kamil, excellent enquĂȘteur, fervent admirateur d’Hercule Poirot, va si bien faire son travail qu’il va vite mettre en cause des gens riches et puissants que sa hiĂ©rarchie lui conseillera plus que vivement de laisser tranquilles. Il s’entĂȘtera jusqu’au moment oĂč il devra fissa se rĂ©fugier en Angleterre. OĂč il se retrouve serveur Ă  Brick Lane
 Mais Ă  Londres le serveur improvisĂ© est immĂ©diatement rattrapĂ© par son mĂ©tier de flic. EmbauchĂ© comme extra pour la fĂȘte d’anniversaire d’un richissime homme d’affaires d’origine bengali, il se retrouve confrontĂ© Ă  un nouveau cadavre au crĂąne fracassĂ©, cette fois avec une bouteille d’excellent whisky l’homme d’affaires en personne. Et bien sĂ»r les suspects se bousculent au portillon. S'amuser avec les standards du roman d’énigmeMultipliant les rĂ©fĂ©rences Ă  Conan Doyle ou Agatha Christie, il joue en permanence avec le lecteur comme ici dans la scĂšne oĂč Kamil dĂ©couvre le cadavre de l’homme d’affaires
 "Je dirige la torche de mon tĂ©lĂ©phone vers sa blessure Ă  la tĂȘte des Ă©clats de verre scintillent. Mon instinct ne m’a pas trompĂ©. Ce n’est pas un accident quelqu’un l’a frappĂ© avec la bouteille. Son poing droit est fermĂ©. Si on Ă©tait dans un roman policier, un indice serait dissimulĂ© dans sa main, me dis-je en souriant intĂ©rieurement. Je jette un coup d’oeil vers les escaliers pour vĂ©rifier que personne ne descend, puis je replie ses doigts en essayant de rĂ©frĂ©ner le dĂ©goĂ»t que j’éprouve au contact du corps. Heureusement la rigiditĂ© cadavĂ©rique ne s’est pas encore installĂ©e. Et, Ă  mon grand Ă©tonnement, voilĂ  que dans sa paume apparaĂźt une bague en or sertie d’une pierre bleue Ă©tincelante. Parfois la vraie vie ressemble bel et bien Ă  un roman policier. Je prends vite une photo et referme le poing du cadavre autour de la bague". Deux affaires qui finissent par se croiserLes deux enquĂȘtes sont racontĂ©es en parallĂšle, de maniĂšre fort habile. Et comme la logique romanesque n’a rien Ă  voir avec la gĂ©omĂ©trie, les deux parallĂšles finissent par se croiser. Le lecteur n’est jamais au bout de ses surprises. Ce livre, on l’a dit est une brillante et savoureuse variation sur les standards de l’énigme, mais pas seulement. L’auteur a le regard piquant, sur ses personnages, mais aussi sur les deux sociĂ©tĂ©s qu’il met en scĂšne. Et le propos se fait discrĂštement politique quand il Ă©voque la violence des interrogatoires dans les commissariats de Calcutta ou la corruption qui rĂšgne dans les forces de police. Kamil, le jeune inspecteur, va perdre ses illusions. La fin est joyeusement immorale. Le roman est ainsi trĂšs contemporain, mĂȘme s’il joue sur de vieux refrains. AprĂšs tout, comme dit un des personnages, c’est dans les vieilles marmites qu’on fait les meilleurs currys ». Le serveur de Brick Lane » de Ajay Chowdhury. Traduit de l’anglais par Lise Garond, est paru aux Ă©ditions Liana LĂ©vi.
Le 1er site d’information sur l’actualitĂ©. Retrouvez ici une archive du 08 juin 1990 sur le sujet Voyage dans un crĂąne
27/01/2021 150700Charlene de Monaco, le crĂąne rasĂ© dissimulĂ© sortie en famille pour embraser le RocherIl n'y a pas que Jacques et Gabriella qui ont soignĂ© leurs tenues mardi soir leur mĂšre, la princesse Charlene, a elle aussi misĂ© sur un look sophistiquĂ©. Une tenue pour laquelle elle a prĂ©fĂ©rĂ© cache...Les deux petites tĂȘtes blondes accompagnent de plus en plus leurs parents lors de leurs sorties princiĂšres, pour le plus grand plaisir des MonĂ©gasques. Les jumeaux, scolarisĂ©s Ă  l'Ă©cole maternelle publique Stella-de-Monaco, ne se contentent plus seulement de saluer du balcon du palais princier deux fois l'an, puisqu'ils prennent dĂ©sormais part Ă  diffĂ©rentes cĂ©rĂ©monies, inaugurations, Ă©vĂ©nements culturels et sportifs... Lire la suite » Charlene de Monaco affiche dĂ©sormais une coiffure mi-crĂąne rasĂ©, mi coupe au bol PHOTO – Charlene de Monaco lookĂ©e Ă  la garçonne pour une nouvelle sortie avec Albert - Gala Charlene de Monaco en solo pour les funĂ©railles du roi des Zoulous - Gala Charlene de Monaco affiche dĂ©sormais une coiffure mi-crĂąne rasĂ©, mi coupe au bolL'Ă©pouse du prince Albert II arborait une coupe de cheveux punk lors d'une distribution de cadeaux de NoĂ«l, organisĂ©e au Palais princier mi-dĂ©cembre. Elle persiste et signe ce choix capillaire pour le moins inattendu de la part de la princesse, en rasant la nuque et l'autre cĂŽtĂ©. ... En a-t-elle ras le bol ? lĂ  est la question! De pire en pire! 15€ la coupe alors , voir 10€PHOTO – Charlene de Monaco lookĂ©e Ă  la garçonne pour une nouvelle sortie avec Albert - GalaÀ l'occasion d'une sortie au Yacht Club de Monaco, la princesse CharlĂšne arborait un look androgyne, aux cĂŽtĂ©s du prince Albert II de Monaco ce mardi 9 fĂ©vrier....Charlene de Monaco en solo pour les funĂ©railles du roi des Zoulous - GalaCharlene de Monaco s'est rendue seule aux funĂ©railles de Goodwill Zwelithini, le roi des Zoulous d'Afrique du Sud, ce jeudi 18 mars Ă  Nongoma, comme le montrent des images de SABC News. TrĂšs proche... Y a la vidĂ©o ?PHOTOS – De StĂ©phanie Ă  Charlene de Monaco les coiffures les plus excentriques du gotha - propose une rĂ©trospective de ces fois oĂč les princesses ont optĂ© pour des coiffures excentriques sous bien des formes. Des colorations folles, des assemblages Ă©tonnants... DĂ©couvrez notre d...PHOTOS – De StĂ©phanie Ă  Charlene de Monaco les coiffures les plus excentriques du gotha - propose une rĂ©trospective de ces fois oĂč les princesses ont optĂ© pour des coiffures excentriques sous bien des formes. Des colorations folles, des assemblages Ă©tonnants... DĂ©couvrez notre d...Une publication partage par Eugenia Garavani eugeniagaravani Les deux petites tĂȘtes blondes accompagnent de plus en plus leurs parents lors de leurs sorties princiĂšres, pour le plus grand plaisir des En ce moment ChloĂ© Friedmann 1, Justine Feutry ‱ Le 10 fĂ©vrier 2021 L'Ă©pouse du prince Albert II arborait une coupe de cheveux punk lors d'une distribution de cadeaux de NoĂ«l, organisĂ©e au Palais princier de Monaco n'en finit pas de surprendre avec ses au deuxiĂšme rang de l'Ă©glise temporaire installĂ©e Ă  Nongoma, une ville du KwaZulu-Natal, province cĂŽtiĂšre de l'Afrique du jumeaux, scolarisĂ©s Ă  l'Ă©cole maternelle publique Stella-de-Monaco, ne se contentent plus seulement de saluer du balcon du palais princier deux fois l'an, puisqu'ils prennent dĂ©sormais part Ă  diffĂ©rentes cĂ©rĂ©monies, inaugurations, Ă©vĂ©nements culturels et sportifs.. Partager Tilda Swinton, Rihanna et Kristen Stewart l'ont un temps adoptĂ©e.. Ce style colle parfaitement Ă  sa nouvelle coupe de cheveux , rĂ©vĂ©lĂ©e en dĂ©cembre dernier et qui lui donne de l'allure. Les deux enfants font la fiertĂ© du prince Albert, comme Charlene a pu l'Ă©voquer lors d'une rĂ©cente interview accordĂ©e au magazine Point de vue " Il adore chaque instant passĂ© avec eux, il aime leur parler, les prendre en photo, ils sont le grand amour de sa vie. L'Ă©pouse d'Albert II arborait Ă©galement une longue mĂšche coiffĂ©e sur le cĂŽtĂ© et des mĂšches plus foncĂ©es. Un amour qui ne connaĂźt pas d'Ă©quivalent et qu'il a la chance d'avoir en double ! " Un entretien au cours duquel la princesse avait Ă©galement adressĂ© . "C’est un jour difficile car nous avons perdu un arbre", a-t-il dĂ©clarĂ©, citĂ© par Histoires Royales, avant de poursuivre "J’adresse mes plus profondes et sincĂšres condolĂ©ances Ă  la famille royale, au nom de tous les Sud-Africains. Commentsavoir si une coupe rase me va bien femme ? Un simple crayon et une rĂšgle vous permettent de savoir si les cheveux courts vous iront. Pour savoir si une coupe courte flattera votre visage, mesurez simplement la distance qui sĂ©pare le menton du lobe de l’oreille. Placez le crayon horizontalement sous le menton et posez la rĂšgle
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Le Grand Nord, une rĂ©gion oĂč l’hiver et la glace rĂšgnent, abrite de nombreux animaux. Ils se sont adaptĂ©s Ă  leur environnement nordique de façon fascinante afin de survivre dans ces conditions extrĂȘmes. L’Arctique vit au rythme de deux saisons un Ă©tĂ© trĂšs court, mais florissant, alternant avec un hiver long et glacial. Pendant la saison froide, la banquise se forme sur la majoritĂ© du territoire arctique. Avec la chute des tempĂ©ratures, la mer s’épaissit, les vagues ralentissent, des galettes de glace se forment, se compactent, se soudent pour former la banquise, qui finit par s’accrocher Ă  la terre et Ă©paissir au grĂ© de la tempĂ©rature. Elle atteint son amplitude maximale en fĂ©vrier, permettant aux animaux arctiques comme les loups, les renards et les ours polaires d’étendre leur territoire de chasse. L’étĂ©, la hausse des tempĂ©ratures fait tranquillement fondre la banquise, libĂ©rant la toundra et permettant son Ă©panouissement. La saison chaude est courte environ 60 jours qui dĂ©passent rarement les 10°C. La fonte des neiges fournit l’eau, vitale aux mousses, lichens, graminĂ©es, plantes Ă  fleurs, arbustes, arbres nains et tourbiĂšres. Les vĂ©gĂ©taux profitent de la chaleur pour croĂźtre et fleurir rapidement et les animaux migrateurs reviennent en Arctique pour la saison de la reproduction. Enfin, la vie renaĂźt pendant cette courte trĂȘve de froid. La vie animale varie au fil de ces deux saisons. La plupart des animaux migrent au sud pendant l’hiver et reviennent l’étĂ©. D’autres se sont adaptĂ©s Ă  la rigueur de l’hiver arctique et ont trouvĂ© des façons d’affronter les froids polaires et les vents violents. Le spermophile arctique hiberne, alors que les campagnols et les lemmings passent l’hiver dans leurs galeries souterraines. Les liĂšvres, les loups, les renards, les gloutons, l’hermine et le bƓuf musquĂ© ont une Ă©paisse fourrure leur permettant de rĂ©sister au froid. Par exemple, le pelage du bƓuf musquĂ© lui confĂšre une excellente protection thermique. Il est constituĂ© de deux couches de poils le sous-poil de 5 cm est recouvert par des longs poils de 60 cm. L’air s’infiltre entre les deux couches pour augmenter l’isolation. La morphologie des animaux arctiques est adaptĂ©e afin de minimiser les Ă©changes thermiques et la perte de chaleur formes compactes et extrĂ©mitĂ©s courtes. Ainsi, les pattes et le museau du renard polaire sont plus courts que ceux de son cousin le renard roux. À l’inverse, le renard du dĂ©sert a de grandes oreilles favorisant les Ă©changes thermiques et l’évacuation de la chaleur. Les oreilles du liĂšvre arctique sont plus courtes que celles des liĂšvres mĂ©ridionaux. On observe des pattes plus courtes chez la sterne arctique que chez la sterne pierregarin pour Ă©conomiser de l’énergie, diminuer les pertes de chaleur et ainsi augmenter ses chances de survie. Le camouflage est une autre stratĂ©gie qui aide les animaux arctiques Ă  survivre; leur pelage change de couleur selon les saisons. Ils sont blancs comme la neige l’hiver et ils deviennent bruns-gris pendant l’étĂ© pour se dissimuler dans leur habitat. Les prĂ©dateurs se cachent pour mieux surprendre leurs proies et alors que celles-ci se dissimulent pour Ă©chapper aux chasseurs. Le lagopĂšde, le renard polaire et le liĂšvre arctique font parties des animaux utilisant cette stratĂ©gie. L’ours polaire, considĂ©rĂ© comme le roi du Grand Nord, a dĂ©veloppĂ© de nombreuses caractĂ©ristiques pour s’adapter Ă  son habitat. Comparativement Ă  son cousin l’ours brun, son profil plus allongĂ©, son cou et son crĂąne plus longs facilitent la nage. Ses fosses nasales plus longues favorisent le rĂ©chauffement de l’air et amĂ©liorent son odorat afin de lui permettre de dĂ©celer des phoques Ă  des kilomĂštres de distance. Ses oreilles sont plus petites pour diminuer les pertes de chaleur. Une Ă©paisse couche de graisse lui procure une protection thermique et sa fourrure touffue impermĂ©able blanche capte les rayons de soleil pour les transformer en chaleur, tout en lui permettant de se camoufler dans la neige pour chasser. Ses coussinets plantaires rugueux lui donne une bonne adhĂ©rence sur la glace et ses griffes mesurant de 5 Ă  7 centimĂštres lui servent Ă  la fois de crampons et de poignards. L’ours polaire est aussi un trĂšs bon nageur; ses pattes avant sont palmĂ©es jusqu’à la moitiĂ© des doigts, il peut rester sous l’eau plus d’une minute et il a grande endurance Ă  la nage. L’Arctique est un territoire fascinant que peu ont la chance de visiter ! La nature y cache des ingĂ©niositĂ©s impressionnantes, permettant Ă  la vie de s’y dĂ©ployer malgrĂ© les conditions extrĂȘmes. Le Grand Nord est sans contredit un monde majestueux Ă  dĂ©couvrir et Ă  protĂ©ger. — StĂ©phanie Bilodeau
BonsoirJŽai lu les sujets sur la recherche du crane, je ne trouve pas de linceul dans le cimetiere, ou est la foret ? Par contre je suis retournée qu chateau, passée par lŽarmoire bien
PARIS Sipa — Soixante-dix ans aprĂšs la rafle, Michel Muller se souvient encore de ces six jours qu'il a passĂ©s au VĂ©lodrome d'Hiver la chaleur Ă©touffante sous la verriĂšre, le bruit infernal qui rĂ©sonnait et l'odeur Ă©pouvantable qui rĂ©gnait. Il avait sept ans et demi. Ce qui l'a frappĂ© Ă  son arrivĂ©e, c'est la tour Eiffel, situĂ©e juste Ă  cĂŽtĂ© "Je l'avais jamais vue aussi grande, c'Ă©tait immense". Depuis MĂ©nilmontant, oĂč sa famille habitait durant la guerre, il apercevait la tour de fer, mais toute petite. Les 16 et 17 juillet 1942, environ juifs avaient Ă©tĂ© arrĂȘtĂ©s en rĂ©gion parisienne sur instruction du gouvernement de Vichy. Plus de d'entre eux, en majoritĂ© des enfants, allaient ĂȘtre parquĂ©s plusieurs jours au Vel d'Hiv' Ă  Paris. Michel Muller se rappelle surtout l'inconfort des lieux. La verriĂšre du Vel d'Hiv' "diffusait la chaleur mais aussi le bruit". "Tout rĂ©sonnait ... c'Ă©tait infernal", a-t-il confiĂ© dans un entretien tĂ©lĂ©phonique Ă  Sipa. Les lampadaires Ă©clairaient la foule "nuit et jour". Des toilettes, bouchĂ©es, Ă©manait une "odeur Ă©pouvantable" mĂȘlant urine, excrĂ©ments et grĂ©sil, un dĂ©sinfectant. MalgrĂ© ces conditions, le vĂ©lodrome a servi de terrain de jeu aux enfants. Sa piste en bois avait des "virages trĂšs relevĂ©s, presque verticaux - c'Ă©tait magnifique", dĂ©crit le septuagĂ©naire. Il raconte qu'avec des copains rencontrĂ©s sur place, ils avaient trouvĂ© des dossards de coureurs "on descendait les pistes". Le petit Michel, sept ans et demi, ne comprenait pas trĂšs bien pourquoi il Ă©tait enfermĂ© lĂ  avec sa soeur Annette, neuf ans, et leur mĂšre. "Je me demandais ce qui se passait", dit-il, en assurant pourtant "Ă©tant avec ma mĂšre, je n'avais pas peur". Son pĂšre, immigrĂ© juif polonais, s'Ă©tait cachĂ© la veille de la rafle car le bruit courait d'une vague d'arrestations imminente; les prĂ©cĂ©dentes opĂ©rations n'avaient visĂ© que des hommes. "On ne pouvait pas imaginer qu'on allait arrĂȘter des femmes, des enfants, des vieillards", souligne M. Muller. Michel, Annette, leurs frĂšres Henri et Jean, ĂągĂ©s de 11 et 10 ans, et leur mĂšre ont Ă©tĂ© emmenĂ©s Ă  la Bellevilloise, une salle de MĂ©nilmontant utilisĂ©e comme "centre de tri". "Les familles qui avaient un pĂšre prisonnier de guerre Ă©taient sursitaires et les autres partaient", explique-t-il. Sa mĂšre a demandĂ© Ă  une voisine dont le mari Ă©tait prisonnier de faire passer ses deux aĂźnĂ©s pour ses propres fils, exfiltrant ainsi Henri et Jean. Mme Muller et ses deux derniers ont Ă©tĂ© conduits au Vel d'Hiv', puis transfĂ©rĂ©s au bout de six jours Ă  Beaune-la-Rolande Loiret. Dans ce camp, "on avait chaud et soif", se remĂ©more Michel. AprĂšs environ deux semaines, sa mĂšre a Ă©tĂ© envoyĂ©e vers une destination inconnue, avec d'autres adultes et des adolescents de plus de 14 ans. De cette sĂ©paration, il garde "un souvenir effroyable". "On hurlait", dit-il de lui-mĂȘme et des autres enfants. "On essayait de s'accrocher Ă  nos mĂšres". Les gardes "ont essayĂ© de nous sĂ©parer avec une lance Ă  eau", relate-t-il. Les cris ne cessant pas, ils ont fait venir Ă  l'entrĂ©e du camp une voiture allemande Ă©quipĂ©e d'une mitrailleuse. "Un silence de mort" s'est alors abattu "on s'est tu, elles sont montĂ©es dans les camions et elles sont parties". AprĂšs la guerre, il apprendra que sa mĂšre est morte Ă  Auschwitz. Le petit garçon est restĂ© encore deux semaines Ă  Beaune-la-Rolande avec sa soeur, malade. Il se dĂ©brouillait pour lui apporter Ă  manger "on n'avait pas de gamelles, c'Ă©taient des boĂźtes de conserve". "On se cherchait les poux", raconte-t-il sur le ton de la plaisanterie, en prĂ©cisant parler au sens propre et non figurĂ©. Sa voix devient moins enjouĂ©e lorsqu'il Ă©voque la tonte. De honte, il a dissimulĂ© son crĂąne sous un bĂ©ret "c'est ce qui m'a le plus choquĂ© pendant cette pĂ©riode, l'humiliation". Michel et Annette ont ensuite Ă©tĂ© transfĂ©rĂ©s au camp de Drancy. Ils Ă©taient dĂ©tenus dans un Ă©tage oĂč il n'y avait que des enfants. "Il n'y avait rien, on Ă©tait Ă  mĂȘme le bĂ©ton", dĂ©peint M. Muller. Ses seuls souvenirs l'appel quotidien et la crainte d'ĂȘtre dĂ©portĂ©. "On ne savait pas oĂč, mais on savait que c'Ă©tait l'horreur", souffle-t-il "pour PitchipoĂŻ, comme on disait". Son pĂšre a revu un homme qu'il connaissait de son adolescence en Pologne et qui collaborait en France avec les nazis. Il lui a donnĂ© de l'argent pour qu'il obtienne la libĂ©ration de ses proches. "Pour ma soeur et moi, ça a marchĂ© parce que les Allemands n'envisageaient pas de dĂ©porter les enfants tout de suite ... Pour ma mĂšre, c'Ă©tait trop tard", dĂ©plore M. Muller. "On a Ă©tĂ© sauvĂ©s Ă  quelques jours prĂšs". Michel et Annette ont Ă©tĂ© conduits Ă  l'asile Lamarck, dans le nord de Paris, mais le directeur a refusĂ© de les remettre Ă  leur pĂšre. Ce dernier a alors demandĂ© Ă  une nonne d'intervenir. Soeur Clotilde les a cachĂ©s dans un orphelinat catholique de Neuilly-sur-Seine Hauts-de-Seine, avec leurs frĂšres Jean et Henri. Jusqu'Ă  la fin de la guerre. cb/sb PAPPOLAFabrice, Le « bourrage de crĂąne » dans la Grande Guerre. Approche socioculturelle des rapports des soldats Ă  l’information, sous la direction de RĂ©my Cazals, ThĂšse d’histoire, Univ. Toulouse II, 2007. sur le site de la SociĂ©tĂ© pour l’histoire des mĂ©dias 1 C’est dire, avec P. Boyer, que la tradition est une forme de communication orale plutĂŽt qu’une vis ... 1Le parcours initiatique du Bwete Misɔkɔ inclut la transmission d’un savoir secret qui dĂ©passe largement le seul savoir-faire thĂ©rapeutique. Tout initiĂ© doit ainsi en passer par un enseignement initiatique proprement interminable il s’agit moins en effet de la transmission d’un corpus unifiĂ© de connaissances partagĂ©es que d’un type spĂ©cifique de discours et d’interaction entre cadets et aĂźnĂ©s1. Puisque dans le Bwete, tout relĂšve virtuellement du savoir initiatique, mieux vaut alors se focaliser sur les formes de ce savoir et les contextes de son enseignement, plutĂŽt que sur ses contenus de dĂ©tail qui ont Ă©tĂ© ou seront abordĂ©s thĂ©matiquement dans d’autres chapitres. GESTES ET PAROLES DES ANCÊTRES LE FORMALISME RITUEL 2 Chaque sociĂ©tĂ© initiatique se distingue effectivement par une danse et un rythme singuliers qui en ... 2L’idĂ©ologie au fondement du Bwete, comme de toute sociĂ©tĂ© initiatique, postule qu’une frontiĂšre ontologique sĂ©pare initiĂ©s et profanes le monde se divise entre ceux qui en sont et savent et ceux qui n’en sont pas et ne peuvent donc rien savoir. La parole des profanes est donc systĂ©matiquement disqualifiĂ©e, alors mĂȘme que certains d’entre eux en savent beaucoup sur le Bwete. Il ne saurait y avoir d’autre savoir autorisĂ© sur la sociĂ©tĂ© initiatique que le savoir initiatique lui-mĂȘme. Pour les spectateurs profanes qui viennent admirer Ă  chaque veillĂ©e les prouesses acrobatiques des initiĂ©s, le Bwete se limite donc au divertissement d’une danse publique. Et effectivement, le terme danse » sert parfois Ă  dĂ©signer les diverses sociĂ©tĂ©s initiatiques la danse Bwete, la danse Elɔmbo, 3Mais pour certains jeunes initiĂ©s Ă©galement, le Bwete ne reprĂ©sente guĂšre plus qu’une distraction leur donnant l’occasion de faire Ă©talage de leur talent de danseur. Cette situation est moins le rĂ©sultat du dĂ©voiement des jeunes gĂ©nĂ©rations que de la mĂ©fiance des aĂźnĂ©s qui maintiennent dĂ©libĂ©rĂ©ment la masse des cadets dans l’ignorance, choisissant seulement quelques Ă©lĂ©ments prometteurs pour leur transmettre leurs secrets et assurer la reproduction initiatique. Il est alors suffisant que la plupart des initiĂ©s viennent danser et chanter, sans en savoir beaucoup plus sur le Bwete. Si les profanes sont en position d’ignorance, tous les initiĂ©s ne se trouvent donc pas pour autant dans une position d’omniscience. 4En effet, un banzi commence toujours par participer aux veillĂ©es sans saisir le sens exact des actes que les aĂźnĂ©s lui demandent d’accomplir. La maĂźtrise progressive des chansons, gestes et pas de danse lui permet au bout d’un temps de prendre part Ă  l’action rituelle sans passer pour ridicule. Mais cela ne veut pas dire pour autant qu’il connaisse les significations – gĂ©nĂ©ralement secrĂštes – attachĂ©es Ă  tous ces actes. La liturgie d’une veillĂ©e est de toute façon suffisamment complexe pour qu’il y ait toujours un certain nombre de gestes qu’un initiĂ©, aussi expert soit-il, accomplira sans en connaĂźtre prĂ©cisĂ©ment la motivation et le sens. Mais s’il ne sait pas vraiment ce qu’il est en train de faire, les aĂźnĂ©s, eux, doivent bien le savoir. Il s’exĂ©cute donc, parce qu’il a appris des aĂźnĂ©s Ă  faire ainsi, et qu’au fond, les ancĂȘtres ont toujours fait de mĂȘme. 5La lĂ©gitimation traditionnelle par les ancĂȘtres reste en effet la premiĂšre et la derniĂšre justification permettant de rendre raison du Bwete, comme le dit explicitement une chanson maganga ma kala na ma tsika biboto » les choses rituelles d’autrefois, laissĂ©es par les anciens ». Que les ancĂȘtres aient toujours fait ainsi suffit Ă  fabriquer un rituel, qui n’est en dĂ©finitive rien d’autre qu’une suite d’actes prescrits. Une veillĂ©e de Bwete sert d’ailleurs avant tout Ă  rĂ©jouir les ancĂȘtres par la bonne exĂ©cution d’un travail rituel collectif c’est le sens du terme mayaya – rĂ©jouissance – qui dĂ©signe une veillĂ©e simple sans occasion spĂ©cifique. Cette dimension autotĂ©lique de l’action est sans doute un trait essentiel de tout rituel l’acte rituel est Ă  lui-mĂȘme sa propre fin. 6Un initiĂ© doit donc faire le Bwete comme les ancĂȘtres l’ont toujours fait, sans nĂ©cessairement se poser la question du sens des actes. Vouloir alors trouver partout des significations et des motivations symboliques ne serait que dĂ©formation professionnelle d’anthropologue. Parfois, les gloses des initiĂ©s ne sont effectivement que des rĂ©ponses ad hoc destinĂ©es Ă  contenter l’ethnographe. Si un rituel peut donc fort bien se passer de commentaires hermĂ©neutiques, le Bwete possĂšde nĂ©anmoins trĂšs nettement une tradition exĂ©gĂ©tique propre. Les initiĂ©s sont rapidement capables – et avides- de dĂ©velopper un discours abondant sur les significations de tel geste ou objet rituel, d’aprĂšs leurs propres interprĂ©tations et celles que leur ont divulguĂ©es les aĂźnĂ©s. 3 À partir de l’exemple du rituel jaĂŻniste puja, Humphrey & Laidlaw 1994 soutiennent ainsi que le ... 7Cette tension permanente au cƓur du rituel entre la forme vide de l’obligation traditionnelle je fais cela parce que c’est ainsi et la surabondance des motivations symboliques je fais ceci parce que ceci signifie cela ne fait que reflĂ©ter le dĂ©calage entre la performance rituelle et son exĂ©gĂšse. La mĂ©morisation et la maĂźtrise opĂ©ratoire des sĂ©quences d’actes prĂ©cĂšdent leur Ă©ventuelle explicitation3. Et la sĂ©ance d’enseignement des cadets par les aĂźnĂ©s est toujours relĂ©guĂ©e au matin qui suit la veillĂ©e. L’implication rituelle repose donc sur un Ă©cart entre l’exĂ©cution de sĂ©quences d’actions bien dĂ©finies et un savoir sur ces actions irrĂ©mĂ©diablement incomplet et incertain. Cet Ă©cart ne se rĂ©sorbe jamais complĂštement la relance indĂ©finie du jeu interprĂ©tatif fait qu’aucune exĂ©gĂšse ne viendra jamais combler totalement la distance entre la performance rituelle et la comprĂ©hension qu’on peut en avoir. 4 Humphrey & Laidlaw ibid. rejettent cette hypothĂšse d’un code symbolique partagĂ© au principe du r ... 8On voit ainsi apparaĂźtre les rapports complexes qu’entretiennent l’action rituelle et les significations exĂ©gĂ©tiques qui lui sont attachĂ©es. En tant que suite des gestes et paroles des ancĂȘtres dont les aĂźnĂ©s ont la garde, le rituel du Bwete se suffit Ă  lui-mĂȘme et pourrait Ă  la limite se passer de toute interprĂ©tation exĂ©gĂ©tique. La collaboration rĂ©glĂ©e des initiĂ©s dans l’action rituelle ne nĂ©cessite donc aucun code symbolique partagĂ© par tous les acteurs4. Au contraire, un tel code appauvrirait sensiblement le Bwete. C’est justement parce qu’il n’y a pas d’entente prĂ©alable sur ce que signifie exactement le rituel que ce dernier peut s’accommoder de multiples interprĂ©tations, donner lieu Ă  des exĂ©gĂšses si bavardes, et toujours laisser penser qu’il recĂšle encore d’autres mystĂšres. 9La performance rituelle est donc une action formalisĂ©e qui en elle-mĂȘme ne communique aucun contenu signifiant. Cet argument peut paraĂźtre acceptable pour l’action rituelle – la conception sĂ©miotique selon laquelle gestes et danses communiquent un message n’étant dĂ©jĂ  qu’une analogie discutable. Mais l’hypothĂšse est plus contestable pour la parole rituelle dont on attend qu’elle vĂ©hicule un contenu propositionnel signifiant – le langage Ă©tant avant tout un medium de communication. 5 Sur la parole rituelle, cf. Du Bois 1986. 6 RapiditĂ© qui se retrouve dans les danses et les chants. 10Pourtant, nombre d’initiĂ©s profĂšrent chants et invocations sans vraiment comprendre les paroles prononcĂ©es, qui ne sont pas nĂ©cessairement dans leur langue maternelle et que l’élocution chantĂ©e contribue de toute façon Ă  dĂ©former. Mais l’intelligibilitĂ© immĂ©diate des paroles n’a en rĂ©alitĂ© que peu d’importance pour le locuteur comme pour l’auditoire – chacun se contentant d’une interprĂ©tation fort libre sur le sens gĂ©nĂ©ral de la performance. L’important est moins le contenu que la forme de l’acte verbal qui doit respecter une structure prosodique distinctive. Ainsi l’invocation masculine mwago se caractĂ©rise par une structure rĂ©pĂ©titive et un style d’élocution entre la parole et le chant, imitant vaguement une lamentation. Ces traits formels permettent de distinguer l’invocation Ă  la fois de la parole ordinaire et des autres chants de la veillĂ©e5. Des contrastes prosodiques sĂ©parent Ă©galement les diffĂ©rentes branches du Bwete, tels des marqueurs distinctifs audibles par rapport Ă  l’invocation articulĂ©e du MyɔbΔ, celle du NgɔndΔ est exĂ©cutĂ©e sur un tempo effrĂ©nĂ© qui rend dĂ©libĂ©rĂ©ment la parole inintelligible6. 11Une performance orale rĂ©ussie doit donc respecter certaines formes prosodiques, mais n’a pas besoin de transmettre un message entiĂšrement intelligible. Certes, l’invocation n’est pas en elle-mĂȘme dĂ©nuĂ©e d’un sens littĂ©ral. Mais elle n’est justement jamais envisagĂ©e en elle-mĂȘme, comme pourrait l’ĂȘtre un texte. Elle est toujours un acte de parole singulier attachĂ© Ă  un contexte spĂ©cifique. Il n’est alors pas pertinent de considĂ©rer la valeur propositionnelle des Ă©noncĂ©s hors de leur contexte d’énonciation, puisque cette valeur n’est pas une pure propriĂ©tĂ© intrinsĂšque de l’énoncĂ©. Dans les chants et les invocations, le langage ne sert donc pas Ă  transmettre fidĂšlement un message. Il s’agit plutĂŽt d’une transformation de la parole ordinaire reposant sur une formalisation distinctive. 7 Bloch se situe ici dans la lignĂ©e pragmatiste de Malinowski pour qui la fonction principale du lan ... 12M. Bloch a bien analysĂ© l’importance de cette formalisation du langage dans le rituel de circoncision des Merina Ă  Madagascar Bloch 19747. Discours formel, incantation et chant y sont autant d’étapes d’un mĂȘme processus de transformation du langage ordinaire la danse Ă©tant l’équivalent pour les mouvements corporels. Dans ce langage formalisĂ©, la force propositionnelle de l’énoncĂ© son aptitude Ă  dĂ©crire la rĂ©alitĂ© s’annule quand sa force illocutoire son aptitude Ă  influencer les gens atteint son maximum. La parole rituelle merina ne dit en dĂ©finitive rien sur le monde mais repose sur l’utilisation de la forme comme moyen de pouvoir. Elle n’est en effet rien d’autre que la parole autoritaire des aĂźnĂ©s, parole provenant originellement des ancĂȘtres speaking the words of the ancestors ». Le Bwete fait sensiblement le mĂȘme usage de la parole rituelle. Chants et invocations des veillĂ©es ne s’adressent d’ailleurs pas directement aux hommes mais d’abord aux ancĂȘtres. Peu importe alors que les hommes n’en comprennent pas les paroles si les ancĂȘtres entendent les bonnes formules et la bonne musique. 13Cette transformation du langage ordinaire qui rend largement incomprĂ©hensibles formules, invocations et chants du Bwete repose sur l’usage d’une langue secrĂšte. Chez les Bavove dont la langue est le gevove, ce langage initiatique est connu sous le terme mitimbo. Gevove ordinaire et mitimbo s’opposent comme le cadet et l’aĂźnĂ©, le village et la forĂȘt, le villageois et le pygmĂ©e, la visibilitĂ© et l’invisibilitĂ©, l’évidence et l’énigme. Le mitimbo est la parole insaisissable des anciens, parole dont la signification se dissimule comme le pygmĂ©e en forĂȘt. ConcrĂštement, l’écart par rapport Ă  la langue ordinaire est marquĂ© d’une part par un usage abondant de pĂ©riphrases, mĂ©taphores et mĂ©tonymies, d’autre part par de nombreux emprunts aux langues des populations voisines desquelles les Bavove ont reçu le Bwete notamment Mitsogo et Masangu. Or, si le getsogo appartient au mĂȘme groupe linguistique que le gevove groupe B30, ce n’est pas le cas du yisangu groupe B40. 14La situation se complique encore lorsque le Bwete se transmet des Bavove Ă  d’autres populations. L’important brassage ethnique dans le Bwete du Sud Gabon fait alors du mitimbo un sabir oĂč aucun locuteur ne retrouverait plus sa langue maternelle. C’est lĂ  d’ailleurs un thĂšme initiatique explicite le mitimbo porte la trace sĂ©dimentĂ©e des pĂ©rĂ©grinations du Bwete, de village en village, d’ethnie en ethnie, depuis ses origines jusqu’à nos jours. Ce sabir rituel oblitĂšre dĂ©libĂ©rĂ©ment la comprĂ©hension. Au bout de cette chaĂźne de diffusion, il devient mĂȘme une langue purement formelle qui ne vĂ©hicule plus aucun message littĂ©ral. Ainsi en va-t-il du popi ou popĂš na popĂš, langue rituelle du Bwiti des Fang du Nord Gabon qui la comparent d’ailleurs au latin d’Église Mary 1983b 267-279. Les initiĂ©s se contentent alors de mĂ©moriser des formules qu’ils rĂ©pĂštent mĂ©caniquement sans en comprendre le sens. 15Mais Ă  faire ce chemin Ă  l’envers pour retourner au cƓur historique de la sociĂ©tĂ© initiatique, parmi les communautĂ©s mitsɔgɔ du Bwete Disumba dans la rĂ©gion Dibowa entre les villages IkobĂ© et EtĂ©kĂ©, on constate que la langue rituelle ne redevient pas pour autant transparente. Le povi, orateur du Disumba, parle bien en getsɔgɔ, mais dans une langue encore obscurcie et travestie. Les emprunts moins nombreux aux langues voisines laissent alors la place Ă  un art consommĂ© des doubles sens et autres transpositions imagĂ©es. Le pĂ©nis s’appelle ainsi Mosuma mwana Etsike a ma tsika ka mbeyi mikanga, c’est-Ă -dire Mosuma fils d’Etsike qui a laissĂ© les riviĂšres percĂ©es – ce qui renvoie Ă  la dĂ©floration, le vagin Ă©tant dĂ©signĂ© par le terme Mobogwe qui est le nom d’une riviĂšre. Tout l’art du povi est de dissimuler un sens secret sous un sens littĂ©ral. Comme le note R. Sillans 1967 74-99, les rĂ©cits initiatiques sont en outre pleins d’incohĂ©rences, inversions et rĂ©pĂ©titions, et sont de toute façon dĂ©bitĂ©s Ă  une cadence si soutenue qu’ils en deviennent inintelligibles. 16Cet usage singulier du getsɔgɔ ordinaire doit d’abord permettre de cacher le sens du message aux profanes lorsque le povi parle en public. Mais, puisque le povi travestit encore ses paroles Ă  l’écart de toute oreille profane, il s’agit tout aussi bien d’obscurcir la signification pour les initiĂ©s eux-mĂȘmes. Ainsi, les initiĂ©s du Disumba tsogo ignorent eux aussi la plupart du temps la signification exacte des formules rituelles. La fonction de la langue rituelle sert donc moins Ă  protĂ©ger le secret qu’à le crĂ©er et le suggĂ©rer elle ne cache pas aux profanes une vĂ©ritĂ© transparente aux initiĂ©s ; elle rend le Bwete Ă©nigmatique Ă  tous, y compris aux initiĂ©s. 8 Pour l’ethnographe, cette situation rend impossible toute traduction littĂ©rale il ne faut pas ... 17Des riches mĂ©taphores du povi tsɔgɔ au formalisme vide du popi des Fang en passant par la situation hybride du mitimbo des Bavove, il n’y a donc qu’une seule et mĂȘme logique celle d’un refus de la littĂ©ralitĂ© au service des aĂźnĂ©s. La langue rituelle ne conserve pas prĂ©cieusement les secrets initiatiques. Elle ne vise pas Ă  transmettre fidĂšlement des messages, mĂȘme cryptĂ©s. Elle instaure plutĂŽt une hĂ©tĂ©ronomie dans l’accĂšs aux significations initiatiques elle suggĂšre un savoir possible mais inaccessible, et impose ainsi le recours Ă  l’interprĂ©tation des aĂźnĂ©s qui en dĂ©tiennent le monopole8. Ce recours aux aĂźnĂ©s s’impose en rĂ©alitĂ© dĂšs la premiĂšre veillĂ©e d’initiation lorsque le banzi se fait expliquer ses visions par le pĂšre initiateur. D’emblĂ©e, lui est refusĂ© un accĂšs autonome Ă  la signification de sa propre expĂ©rience. Ce dĂ©calage entre l’expĂ©rience rituelle et son Ă©lucidation interminable joue ainsi un rĂŽle constitutif dans la structuration du rapport au savoir initiatique. LE BWƐNZƐ L’ENSEIGNEMENT INITIATIQUE 9 Ou au nzimbe qui est l’équivalent du bwΔnzΔ dans la branche Disumba. 18L’enseignement initiatique est tout Ă  fait spĂ©cifique et marque une rupture avec le cadre de la conversation ordinaire. Ce n’est qu’au bwΔnzΔ qu’on peut parler le Bwete » vɔvɔkɔ Bwete Δ »9. Le bwΔnzΔ dĂ©signe d’abord le site en forĂȘt interdit aux profanes mais aussi, par extension, n’importe quel lieu oĂč les initiĂ©s peuvent parler en apartĂ©. Le bwΔnzΔ est le lieu du secret. Les initiĂ©s n’hĂ©sitent pas Ă  s’y mettre entiĂšrement nus, lorsqu’il s’agit de montrer la nuditĂ© du Bwete, c’est-Ă -dire d’aborder les affaires les plus secrĂštes. Un bwenze une sĂ©ance d’enseignement initiatique est organisĂ© le lendemain matin de chaque veillĂ©e rituelle les aĂźnĂ©s y reviennent sur ce qui a Ă©tĂ© fait au cours de la nuit – ce qui illustre bien la dimension rĂ©trospective du commentaire initiatique. Mais on peut aussi profiter de toute autre occasion visite chez un parent initiĂ©, invitation d’aĂźnĂ©s Ă  venir parler. 19L’enseignement initiatique, c’est aussi un certain type de relation entre aĂźnĂ©s et cadets. La transmission du savoir suit scrupuleusement la hiĂ©rarchie initiatique des aĂźnĂ©s supposĂ©s savoir enseignent Ă  des cadets dĂ©sirant savoir. Le pĂšre initiateur est le premier Ă  enseigner ses banzi. Mais dans les faits, n’importe quel aĂźnĂ©, y compris celui d’une autre communautĂ© locale, peut venir occuper la place du maĂźtre dans le dispositif du bwenze. Souvent, une sĂ©ance commence par quelques Ă©nigmes posĂ©es au cadet, afin de tester sa connaissance, mais aussi de l’obliger Ă  se dĂ©clarer ignorant, et donc de rĂ©affirmer explicitement la relation d’inĂ©galitĂ© au principe de la transmission. 10 C’est l’argument central de Jamin 1977. 20Cette relation de subordination se traduit directement dans le systĂšme des attitudes. C’est ce que les initiĂ©s appellent mabɔndo ou digɔba, le respect dĂ» aux aĂźnĂ©s Pour connaĂźtre tout ça, il faut plier les genoux. » Le cadet doit parfois s’agenouiller effectivement pour recevoir la connaissance de son aĂźnĂ©, signe de soumission qui reproduit la posture de prise de bĂ©nĂ©diction. À l’inverse, les aĂźnĂ©s savent instrumentaliser la rĂ©tention du secret taire, mentir, faire attendre Ă  leur profit peu importe alors le contenu dissimulĂ© du secret, du moment que le seul fait de le taire affirme manifestement le rapport de subordination10. Au bwenze, le savoir et l’ignorance se manipulent et le respect se joue – les cadets n’étant pas les derniers Ă  ruser pour parvenir Ă  arracher le Bwete » Ă  ceux qui savent. 11 Les rapports monĂ©taires semblent plus importants dans le Misɔkɔ que dans le Disumba. Le Misɔkɔ con ... 12 C’est exactement le sens du ΌύÎČÎżÎ»ÎżÎœ grec du verbe Ï…ÎŒÎČΏλλΔÎčΜ joindre » objet partagĂ© entre ... 21Cette relation de subordination s’exprime Ă©galement dans l’obligation d’une rĂ©tribution matĂ©rielle, le plus souvent monĂ©taire de quelques centaines Ă  quelques milliers de francs CFA il faut poser le Bwete » Ă  celui qui parle le Bwete. Si l’aĂźnĂ© donne un secret, le cadet doit lui donner quelque chose en Ă©change. Comme le dit crĂ»ment la formule le Bwete, c’est l’argent », tout se paie dans la sociĂ©tĂ© initiatique et plus largement dans toutes les sociĂ©tĂ©s initiatiques au Gabon veillĂ©es, fĂ©tiches, mĂ©dicaments, savoir11. Le prix du Bwete dĂ©pend de la valeur du savoir divulguĂ©, c’est-Ă -dire en rĂ©alitĂ© de la valeur de l’aĂźnĂ©. À un pĂšre initiateur, on donnera plus qu’à un aĂźnĂ© proche de soi et celui qui s’estime lĂ©sĂ© en dira moins. Si le cadet n’a rien Ă  donner sur le moment, il cueille une feuille et la tend Ă  l’aĂźnĂ© qui en arrache la moitiĂ© le partage des deux moitiĂ©s vaut comme une reconnaissance de dette12. 22S’il ne s’acquitte pas de la contrepartie, le dĂ©biteur est censĂ© oublier tout ce qui lui a Ă©tĂ© racontĂ© dĂšs la fin du bwΔnzΔ En donnant, tu crois que tu donnes Ă  la personne qui va attraper l’argent, mais c’est aux gĂ©nies que tu donnes. C’est pour faire en sorte que tout ce qu’ils vont te parler, ça rentre dans la tĂȘte et dans le cƓur, et c’est inoubliable. » Le destinataire du don est en rĂ©alitĂ© multiple l’aĂźnĂ© qui empoche l’argent, mais surtout les gĂ©nies mikuku et le Bwete lui-mĂȘme d’oĂč les expressions poser les mikuku » ou poser le Bwete ». Les aĂźnĂ©s ne sont en effet que les dĂ©positaires d’une connaissance initiatique dont les ancĂȘtres sont les dĂ©tenteurs originaires. Le paiement du bwΔnzΔ s’inscrit ainsi dans un systĂšme plus gĂ©nĂ©ral de la dette initiatique. Être initiĂ©, c’est ĂȘtre dĂ©biteur d’une dette infinie contractĂ©e envers les ancĂȘtres mikuku et le Bwete dette proprement inacquittable d’avoir Ă©tĂ© de nouveau mis au monde Ă  travers l’initiation. Le pĂšre initiateur n’occupe donc jamais que la seconde place, aprĂšs le Bwete et les ancĂȘtres. Il entre Ă©videmment dans de tels discours quelque hypocrisie qui tient Ă  la mystification des rapports Ă©conomiques d’appropriation. Il est cependant vrai que le pĂšre initiateur lui-mĂȘme continue de payer la dette du Bwete, Ă  travers les dĂ©penses et les efforts du travail rituel. Tout le monde paie aux ancĂȘtres le savoir et le pouvoir qu’ils ont lĂ©guĂ©s avec le Bwete. 23Avant chaque bwΔnzΔ, l’aĂźnĂ© donne aux cadets une mixture, appelĂ©e dikasi ou ekasi, contenant du miel, de la cola pilĂ©e et des feuilles Ă©crasĂ©es de tangimina commelinacĂ©e indĂ©terminĂ©e dont le nom signifie se souvenir ». Cette prĂ©paration permet au cadet de ne pas oublier ce qu’on lui raconte, conjurant ainsi un risque inhĂ©rent au caractĂšre oral de l’enseignement initiatique. La conception sous-jacente de l’oubli est en rĂ©alitĂ© plus complexe qu’il n’y paraĂźt C’est un dikasi qu’on te donne pour que cela reste dans ta tĂȘte. MalgrĂ© n’importe qui Ă  qui tu vas parler, tu as dĂ©jĂ  tout encaissĂ©. Parce que si on te dit une parole aujourd’hui, toi aussi, tout de suite, tu dis Ă  l’autre. Quand tu parles, cela reste avec l’autre, ça part sur lui pour toujours. Donc on ne parle pas le Bwete n’importe comment. Ce sont tes rĂ©serves, tes secrets. » L’oubli ne provient pas d’un dĂ©faut d’attention mais d’une dilapidation du savoir initiatique. C’est pour cela que l’aĂźnĂ© mange Ă©galement sa part de la mixture il doit conjurer le risque de perdre son savoir en le divulguant au cadet. Transmettre un secret Ă  un tiers, c’est risquer de le perdre en l’oubliant aussitĂŽt – ce qui rĂ©vĂšle bien que la valeur du secret tient Ă  sa rĂ©tention. L’enseignement initiatique du Bwete se situe donc Ă  l’opposĂ© d’une pĂ©dagogie humaniste transmettant un savoir commun partageable, conception dominante de notre systĂšme acadĂ©mique et de son savoir scientifique. 13 Ils ressemblent donc, dans un autre domaine, Ă  nos journaux intimes documents Ă©crits qui ne sont ... 24C’est pourquoi coucher par Ă©crit l’enseignement initiatique ne se fait pas. La trace Ă©crite, au lieu de pallier les mĂ©moires dĂ©faillantes, redoublerait au contraire le risque d’oubli. Elle constitue une divulgation publique qui confine Ă  la dilapidation totale. Si l’enseignement initiatique est dĂ©tachĂ© de toute performance orale, il risque en effet d’échapper aux aĂźnĂ©s qui en perdent le contrĂŽle. MalgrĂ© cet interdit, quelques initiĂ©s disposent de documents personnels sur le Bwete texte de chants ou invocations. Mais il est notable que ces documents Ă©crits, soigneusement cachĂ©s dans des sacs, ne sont gĂ©nĂ©ralement pas destinĂ©s Ă  ĂȘtre montrĂ©s Ă  des tiers ou alors uniquement dans le secret du bwΔnzΔ13. 14 Par exemple, F. Barth my strong suspicion is that the bodies of native explanation that we fin ... 25Le savoir initiatique est ainsi fermement attachĂ© au cadre spĂ©cifique de sa transmission au bwenze. Le discours tenu sur le rituel a lieu dans un contexte lui-mĂȘme fortement ritualisĂ© coupure marquĂ©e par rapport aux contextes ordinaires de communication. Trop souvent, dans les descriptions anthropologiques du rituel, le lecteur ne sait quelle valeur et quel statut accorder aux interprĂ©tations qui lui sont donnĂ©es, faute de prĂ©cision explicite. À la description de l’action rituelle s’ajoutent toujours des exĂ©gĂšses dont on ne sait jamais trĂšs bien de qui elles sont le fait interprĂ©tations de l’auteur, commentaires d’initiĂ©s ou de profanes. Et quand il est prĂ©cisĂ© que les initiĂ©s en sont les auteurs, on ignore souvent dans quel contexte cette information a Ă©tĂ© transmise Ă  l’ethnographe discussion libre entre initiĂ©s ou rationalisation ad hoc pour satisfaire l’anthropologue, banale conversation ou discours spĂ©cifique. On ignore par consĂ©quent si les commentaires touchant le rituel font pleinement partie de la sociĂ©tĂ© ou ne sont qu’une Ă©laboration secondaire largement factice. Ce dĂ©faut de contextualisation des exĂ©gĂšses rituelles peut lĂ©gitimement entraĂźner une suspicion d’artificialitĂ©14. Le commentaire sur le rituel est loin d’ĂȘtre un discours naturel et Ă©vident, universellement partagĂ© par les initiĂ©s et les anthropologues. C’est toujours au contraire un type spĂ©cifique de discours, culturellement marquĂ© et donc Ă©minemment variable. 26L’essentiel des exĂ©gĂšses que j’ai pu recueillir sur le Bwete l’ont Ă©tĂ© dans le cadre d’innombrables sĂ©ances de bwenze entre initiĂ©s. Commentaires, interprĂ©tations et rationalisations appartiennent pleinement Ă  la tradition initiatique locale le Bwete est disert et n’en finit jamais de se dĂ©crire lui-mĂȘme, de revenir sur ses propres actes en leur attribuant des significations. La classique situation ethnographique de recueil d’information a donc pu et dĂ» s’insĂ©rer dans un contexte autochtone prĂ©existant, avec ses rĂšgles propres mais aussi ses relations de subordination dans lesquelles il a bien fallu accepter de me laisser enfermer. Ces contraintes de l’enseignement initiatique contrarient parfois les nĂ©cessitĂ©s du travail ethnographique, ce qu’illustre bien le problĂšme de la prise de notes. Un ethnographe est avant tout quelqu’un qui passe son temps Ă  coucher sur de petits carnets tout ce qu’il observe et ce qu’on lui dit, source inĂ©puisable d’amusement et d’étonnement pour ses interlocuteurs. Mais dans le secret du bwΔnzΔ, cette activitĂ© professionnelle heurte de front l’interdit de l’écrit ou de l’enregistrement qui protĂšge le pouvoir des aĂźnĂ©s. Je n’ai heureusement pas eu tout le temps Ă  me fier Ă  ma simple mĂ©moire et aux vertus de la feuille tangimina aprĂšs avoir installĂ© une relation de confiance avec les initiĂ©s, j’ai pu la plupart du temps prendre en notes ou enregistrer les sĂ©ances au bwΔnzΔ. 15 La Bible joue sans doute un rĂŽle dans l’affaire qu’une religion, que les Gabonais connaissent to ... 27Les justifications et conditions de cette transgression tolĂ©rĂ©e du secret et de l’oralitĂ© variaient selon les initiĂ©s. Beaucoup reportaient le problĂšme en aval je peux Ă©crire ou enregistrer, Ă  condition que je sois Ă©galement initiĂ© au Mwiri ce qui a Ă©tĂ© fait, de maniĂšre Ă  protĂ©ger mes propres secrets et assurer ma responsabilitĂ©. D’autres avaient acceptĂ© que le Bwete devienne public et s’écrive dans des livres le Bwete appartient dĂ©sormais Ă  tout le monde et ne doit pas ĂȘtre accaparĂ© par quelques aĂźnĂ©s jaloux. Les remises en cause du dispositif de transmission du savoir existent donc au sein mĂȘme du champ initiatique15. J’ai ainsi pu obtenir de la part de mes principaux interlocuteurs l’autorisation explicite d’écrire et publier. On verra de toute façon plus loin comment l’ironie du Bwete minimise en rĂ©alitĂ© beaucoup le pĂ©ril de la transgression de ce secret. LE BRICOLAGE DU SAVOIR INITIATIQUE 28L’attachement du savoir initiatique au cadre spĂ©cifique du bwΔnzΔ pĂšse sur la forme mĂȘme de ce savoir. La multiplication des occasions de bwΔnzΔ et des aĂźnĂ©s avides d’occuper la place du maĂźtre donne notamment du savoir initiatique une image Ă©clatĂ©e. Les initiĂ©s soulignent qu’il n’est pas bon de recevoir le Bwete des mains et de la bouche d’une seule personne, fĂ»t-ce son propre pĂšre initiateur. Les rencontres et Ă©changes entre initiĂ©s sont d’ailleurs intenses, Ă  travers les invitations entre communautĂ©s voisines, les carriĂšres individuelles croisant plusieurs branches et sociĂ©tĂ©s initiatiques, ou encore les pĂ©riples initiatiques chez les ethnies rĂ©putĂ©es expertes dans les choses initiatiques, comme les Mitsɔgɔ, Gapinzi, Bavove, Simba ou pygmĂ©es. Les initiĂ©s ont ainsi l’occasion d’entendre de nombreuses voix souvent divergentes. 29MalgrĂ© l’ancrage local des communautĂ©s, le savoir initiatique est donc le rĂ©sultat d’un brassage d’élĂ©ments de provenances diverses. Les cent kilomĂštres de la route entre Libreville et Kango, dont les bas-cĂŽtĂ©s rĂ©vĂšlent d’innombrables mbandja de multiples sociĂ©tĂ©s initiatiques et origines ethniques, en sont la meilleure illustration. Mais cette logique est commune Ă  l’ensemble des communautĂ©s initiatiques, qui sont en quelque sorte des zones de contact permanentes, y compris en milieu villageois. Le savoir initiatique du Bwete est ainsi le produit d’un bricolage de fragments parfois hĂ©tĂ©rogĂšnes. A. Mary en a minutieusement analysĂ© la logique dans le Bwiti fang, oĂč le syncrĂ©tisme chrĂ©tien est particuliĂšrement important Mary 1999. Plus au sud, les Ă©lĂ©ments chrĂ©tiens sont absents ou nettement plus rares. Comme le montre bien le sabir rituel, c’est plutĂŽt la logique des emprunts entre populations voisines qui rĂšgle ce bricolage – les Ă©changes entre ces populations Ă©tant anciens, intenses et souvent indĂ©mĂȘlables situation particuliĂšrement nette pour les groupes Β10, B30 et B40. 16 On a coutume de lire aujourd’hui Dieu d’eau de M. Griaule comme le plus bel exemple de cette mysti ... 30La fiction du vieux sage indigĂšne, dĂ©tenteur omniscient d’un systĂšme de pensĂ©e bien ordonnĂ©, est donc parfaitement intenable – la multiplication des sources ayant vite fait de rĂ©vĂ©ler lacunes et contradictions16. Le savoir initiatique du Bwete est moins un savoir Ă  proprement parler qu’un agrĂ©gat de discours fragmentaires inĂ©galement distribuĂ©s entre initiĂ©s. Cette polyphonie du Bwete est d’autant plus marquante qu’elle est souvent discordante le premier poteau du corps de garde, est-ce le fil de l’araignĂ©e ou le pĂ©nis en Ă©rection ? Doit-on placer la torche Ă  droite ou Ă  gauche du poteau central lors de la sortie des danseurs ? Dans ces frĂ©quents dĂ©saccords entre initiĂ©s se jouent en rĂ©alitĂ© les rapports de forces entre aĂźnĂ©s pour le contrĂŽle des cadets au niveau de la communautĂ© locale. Servant Ă  exprimer indirectement les jalousies et rivalitĂ©s entre initiĂ©s et communautĂ©s, le savoir initiatique fait donc l’objet d’une manipulation intĂ©ressĂ©e. 17 Un initiĂ© expliquait ainsi Ă  R. Sillans on crĂ©e une branche chaque fois que l’on voit des chos ... 31À cette polyphonie discordante s’ajoute encore le rĂŽle des inventions personnelles. Les initiĂ©s reconnaissent en effet l’importance de l’innovation individuelle dans le savoir initiatique, Ă  travers la place accordĂ©e au rĂȘve ndɔti et Ă  la vision. L’activitĂ© onirique inspire ou sert ainsi Ă  justifier des innovations liturgiques, exĂ©gĂ©tiques ou mythiques dont les plus significatives mĂšnent parfois Ă  des schismes et Ă  la crĂ©ation de nouvelles branches initiatiques17. Le rĂȘve joue d’ailleurs un rĂŽle dĂ©cisif dans les mythes d’origine du Bwete un parent mort divulgue en rĂȘve les secrets de l’eboga, la recette des fĂ©tiches, la conduite Ă  tenir pour soigner, consulter ou faire une chasse miraculeuse. Le Bwete commence ainsi par le rĂȘve, principal moyen de communication avec les ancĂȘtres. Le rĂȘve est donc au principe d’un paradoxe qui permet et justifie l’innovation individuelle message rĂ©vĂ©lĂ© Ă  un individu singulier, il surpasse pourtant l’enseignement initiatique des aĂźnĂ©s puisqu’il Ă©mane des ancĂȘtres dont provient censĂ©ment tout le savoir du Bwete. L’innovation individuelle procĂšde donc directement des ancĂȘtres. 18 Pour rendre compte de la forte variabilitĂ© des idĂ©es et pratiques religieuses des populations des ... 32Il n’est ainsi pas rare de recueillir sur le terrain des rĂ©cits mythiques qui diffĂšrent des versions canoniques et semblent d’invention rĂ©cente. Les innovations rĂ©ussies ne sont pourtant pas des crĂ©ations ex nihilo mais des reconfigurations de rĂ©cits classiques qui mettent en relief des Ă©lĂ©ments souvent dĂ©jĂ  prĂ©sents de maniĂšre implicite. Ce processus de rĂ©agencement permet ainsi de gĂ©nĂ©rer des histoires inĂ©dites et pourtant immĂ©diatement familiĂšres pour une oreille initiĂ©e. Mais il est normal qu’une sociĂ©tĂ© initiatique qui repose autant sur l’implicite et le secret octroie une place consĂ©quente Ă  l’innovation individuelle18. L’indĂ©termination et le caractĂšre allusif qui sont les caractĂ©ristiques premiĂšres du langage rituel appellent naturellement les interprĂ©tations idiosyncrasiques. Et cela d’autant plus facilement que le Bwete fonctionne sur le principe de la pleine autonomie des communautĂ©s initiatiques locales. Le travail de crĂ©ation peut donc s’exercer sur un vaste champ de connotations partiellement indĂ©terminĂ©es, mais mobilisant des champs thĂ©matiques renvoyant Ă  des expĂ©riences communes et donc facilement partageables sexualitĂ©, naissance, mort, sorcellerie – thĂšmes abordĂ©s plus prĂ©cisĂ©ment dans la troisiĂšme partie de l’ouvrage. Tel initiĂ© pourra ainsi accentuer systĂ©matiquement la symbolique sexuelle fĂ©minine, alors que tel autre jouera au contraire sur les allusions phalliques. Tel insistera sur le rĂŽle de l’oncle utĂ©rin, tel autre sur celui du pĂšre. 33La norme de l’innovation est donc claire de nouveaux contenus peuvent venir enrichir indĂ©finiment le savoir initiatique tant qu’ils prennent bien la forme du savoir lĂ©guĂ© par les ancĂȘtres formes stĂ©rĂ©otypĂ©es dĂ©crites en dĂ©tail au prochain chapitre. Le savoir initiatique n’est donc pas un catalogue figĂ© de reprĂ©sentations collectives mais au contraire le lieu d’une articulation entre Ă©laborations personnelles et formes traditionnelles. Je rejoins sur ce point les analyses de P. Boyer 1980 l’enseignement des aĂźnĂ©s sert Ă  inculquer aux novices la grammaire des rapports entre symbolisme individuel et tradition. Le savoir initiatique est donc plus un mĂ©ta-savoir une forme spĂ©cifique d’énoncĂ©s qu’un vĂ©ritable savoir un corpus d’énoncĂ©s. 19 La sociĂ©tĂ© initiatique Bwete est en fait un rĂ©seau de communautĂ©s locales Ă  la fois autonomes et e ... 34À force de circuler, se transformer et se contredire, les Ă©noncĂ©s du savoir initiatique paraissent en dĂ©finitive flotter sans que l’on sache bien Ă  qui les attribuer au-delĂ  de leur pure performance par un locuteur singulier invention individuelle, reprĂ©sentation collective Ă©manant de la communautĂ© locale, de la branche ou de la sociĂ©tĂ© initiatique ? Et faut-il derriĂšre cela entendre le discours anonyme de la culture du locuteur ou de l’ethnie d’origine de la branche initiatique ? Les Ă©noncĂ©s du savoir initiatique semblent en dĂ©finitive faire partie de formations collectives intermĂ©diaires, sorte de culture initiatique spĂ©cialisĂ©e mais inĂ©galement distribuĂ©e entre les acteurs et possĂ©dant un fort coefficient de dispersion19. C’est donc moins une cosmologie indigĂšne bien ordonnĂ©e qu’un ensemble inventif et complexe mais faiblement systĂ©matisĂ© » creative and complex yet poorly systematized », pour reprendre une expression de F. Barth 1975 222 Ă  propos des Baktaman qui convient fort bien au Bwete. Le terme savoir initiatique » ne doit donc pas ĂȘtre pris en son sens littĂ©ral de systĂšme de connaissances portant sur le monde, mais plutĂŽt comme une catĂ©gorie autochtone ou un raccourci commode pour dĂ©signer l’ensemble hĂ©tĂ©rogĂšne des Ă©noncĂ©s divulguĂ©s dans le contexte spĂ©cifique du bwΔnzΔ. 35Et il ne faudrait pas croire que cette non-systĂ©maticitĂ© du savoir initiatique provienne de la dĂ©gradation irrĂ©versible d’une tradition mythique et rituelle autrefois harmonieuse mais dont le temps violent de l’histoire n’aurait laissĂ© que des lambeaux dĂ©chiquetĂ©s. Comme si le Bwete n’était plus aujourd’hui que le reflet dĂ©gradĂ© de son propre passĂ©. Cette conception entropique est parfois relayĂ©e par l’idĂ©ologie autochtone qui affirme que les gĂ©nĂ©rations prĂ©cĂ©dentes en ont toujours su plus. Ce jugement, tout relatif, ne fait en rĂ©alitĂ© que rĂ©affirmer la place constitutive des ancĂȘtres dans le Bwete. L’idĂ©ologie initiatique repose en effet sur un enchantement ou un rĂ©-enchantement systĂ©matique du passĂ©, qui survalorise les ancĂȘtres et les anciens sur le mode nostalgique de la perte irrĂ©mĂ©diable. Sans aucun doute, bien des Ă©lĂ©ments rituels et mythiques ont dĂ» disparaĂźtre, mais d’autres ont Ă©tĂ© introduits et le sont continuellement. Le Bwete, aujourd’hui bien vivant au Gabon, n’est pas un conservatoire figĂ© du passĂ©, mais une tradition en perpĂ©tuelle transformation. L’unitĂ© du Bwete n’existe ainsi que comme l’horizon inaccessible de l’enseignement initiatique loin d’ĂȘtre le produit de la dĂ©tĂ©rioration du temps, l’aspect fragmentaire du Bwete permet de faire de l’acquisition du savoir initiatique une tĂąche proprement interminable. LE BWETE NE FINIT JAMAIS » 20 Comme l’écrit P. Boyer 1980, si l’initiĂ© n’en sait pas plus que le profane sur le monde, il envi ... 36L’une des formules favorites des initiĂ©s affirme que dans le Bwete, tout a une explication ». Les Mitsɔgɔ assurent mĂȘme que c’est Ă  cause de cela qu’ils ont longtemps refusĂ© l’École des Blancs, persuadĂ©s de la supĂ©rioritĂ© du savoir transmis dans le Bwete. Le Bwete possĂšde en effet la propension Ă  absorber la moindre chose pour en faire une entrĂ©e du savoir initiatique il est censĂ© pouvoir rendre raison de la feuille que le vent fait bouger ou du chien qui aboie. Les initiĂ©s ne s’intĂ©ressent cependant pas Ă  ces phĂ©nomĂšnes pour eux-mĂȘmes, et ne cherchent pas Ă  Ă©noncer quelque chose de leur nature. Ils ne les intĂšgrent au Bwete que pour leur donner la forme canonique du savoir initiatique, les insĂ©rant dans des Ă©noncĂ©s stan dardisĂ©s20 Le Bwete arrache au monde des items pour en faire la matiĂšre d’énigmes, d’homologies secrĂštes ou de rĂ©cits d’origine. 37On est lĂ  exactement dans ce que D. Sperber appelle le savoir ou dispositif symbolique Sperber 1974. Le savoir symbolique est infini et semble porter sur le monde comme le savoir encyclopĂ©dique. En rĂ©alitĂ©, il ne porte pas sur les phĂ©nomĂšnes mais seulement sur leurs reprĂ©sentations. Un Ă©noncĂ© symbolique est une reprĂ©sentation mise entre guillemets pour faire l’objet d’une seconde reprĂ©sentation. Si dans le Bwete, tout possĂšde une explication, c’est que tout item peut faire l’objet d’une mise entre guillemets dans le savoir initiatique. Un vulgaire caillou y acquiert des significations cachĂ©es d’oĂč vient ce caillou ? qui a fait le premier caillou ? dans quel village ? Ă  quelle partie du corps renvoie-t-il ? Et chaque item possĂšde toujours plusieurs entrĂ©es dans le savoir initiatique et ne reçoit jamais une valeur unique le chasse-mouches a pour analogue la main, la tĂȘte et les cheveux, ou la queue du porc-Ă©pic ; le corps de garde, c’est un homme courbĂ© ou un Ă©lĂ©phant. 21 F. Barth relevait la mĂȘme structure feuilletĂ©e dans le savoir initiatique des Baktaman, la compara ... 38Cette polysĂ©mie est structurĂ©e par l’ordre des secrets, selon la mĂ©taphore autochtone de la profondeur qui organise la progression de l’enseignement initiatique. Ce qui a le plus de valeur, c’est l’origine go ebando et le fond go tsina d’une chose. La mĂ©taphore renvoie aux paquets-fĂ©tiches du Bwete, mĂ©ticuleusement emballĂ©s dans des feuilles, des tissus ou des raphias, solidement ligotĂ©s, puis cachĂ©s au fond des corbeilles en rotin ou des besaces pΔngΔ. Divulguer un secret, c’est ainsi ouvrir le pΔngΔ » ou dĂ©faire le paquet ». Et recevoir le dernier secret, c’est voir enfin le fond du sac ». Mais la mĂ©taphore de la profondeur renvoie Ă©galement Ă  la forĂȘt plus on s’y enfonce, plus les secrets y sont importants – d’oĂč la valeur symbolique des pygmĂ©es et du campement de chasse. Le savoir initiatique possĂšde ainsi une structure feuilletĂ©e en niveaux de profondeur21. L’enseignement initiatique se prĂ©sente comme un approfondissement indĂ©fini du secret chaque signification secrĂšte appelle toujours une autre explication plus profonde. 39Ceci apparaĂźt bien dans un trait singulier du savoir initiatique. Nombre des entrĂ©es de ce savoir font l’objet d’un dĂ©doublement systĂ©matique les initiĂ©s leur octroient un deuxiĂšme nom qu’ils accolent au premier par la conjonction na. Nzimbe lieu secret devient Nzimbe na Makaka. Mabundi femme initiĂ©e devient Mabundi na Modanga. Ndea branche rituelle devient Ndea na Disanga. Le principe est simple X, c’est en fait X na Y. Or, ce second terme possĂšde gĂ©nĂ©ralement une signification obscure, et n’a parfois mĂȘme aucune signification prĂ©cise. Ainsi, selon mon interlocuteur, Makaka dĂ©signe la mĂȘme chose que Nzimbe mais sous une appellation plus secrĂšte ». Il ne s’agit donc pas de qualifier un terme pour le prĂ©ciser, mais bien au contraire de l’obscurcir en lui adjoignant un vocable plus mystĂ©rieux. 40Le procĂ©dĂ© va parfois plus loin encore. Selon un mythe initiatique, la genĂšse de l’homme s’est dĂ©roulĂ©e au bord d’une riviĂšre appelĂ©e Ngobwe. C’est ce que mon interlocuteur m’a d’abord rĂ©vĂ©lĂ©. Puis, se livrant Ă  une vĂ©ritable mise en scĂšne du dĂ©voilement progressif du secret, il est revenu Ă  plusieurs reprises me prĂ©ciser ce nom, ajoutant d’autres termes jusqu’à ce que la riviĂšre devienne Ngobwe na Gedemba na Makube mabae na Minzonzi na Tongo. Chacun des noms auxiliaires, plus secret que le prĂ©cĂ©dent, Ă©tait censĂ© dĂ©signer un affluent de la riviĂšre principale. Dans le Bwete, connaĂźtre une chose, c’est en effet connaĂźtre son origine. Pour une riviĂšre, cela revient donc Ă  dĂ©terminer d’oĂč provient son eau, c’est-Ă -dire Ă  connaĂźtre le nom de ses affluents. Mais il faudrait pouvoir remonter jusqu’à la source, et en rĂ©alitĂ© jusqu’à la premiĂšre goutte d’eau. L’adjonction de noms est donc virtuellement indĂ©finie chaque ajout augmente la valeur secrĂšte du nom, mais appelle aussitĂŽt un nouvel ajout. 22 Comme l’écrit F. Barth the principle of symbolic substitution is used to augment the secrecy a ... 41Il n’y a donc aucun point d’arrĂȘt Ă  l’acquisition du savoir initiatique. Nombre de formules initiatiques soulignent bien cela le Bwete ne finit jamais », Bwete gemanΔ » le Bwete est intarissable. Le Bwete, c’est la mer ou le geliba, Ă©tendue d’eau profonde qui ne peut jamais tarir. De mĂȘme, l’enseignement du Bwete est inexhaustible comme les taches de la panthĂšre ou les Ă©cailles du python qu’on ne peut pas compter. En effet, le jeu de l’interprĂ©tation exĂ©gĂ©tique est proprement interminable puisqu’il se nourrit de lui-mĂȘme. Les associations analogiques multiplient Ă  l’infini les connexions entre les diffĂ©rents items du savoir initiatique, mais elles n’expliquent rien. On ne sort jamais de la forme du savoir initiatique. L’enseignement des aĂźnĂ©s ne consiste donc pas en un dĂ©voilement progressif d’un systĂšme de plus en plus cohĂ©rent. C’est au contraire un obscurcissement progressif Ă  travers diffĂ©rentes couches symboliques22. 23 Ce qu’avait bien vu G. Simmel dans Secret et sociĂ©tĂ©s secrĂštes 1996 93-94. 24 La mĂ©taphore du puzzle est ici appropriĂ©e, si l’on veut bien y entendre toutes les connotations du ... 42Cet approfondissement interminable du secret est isomorphe Ă  la hiĂ©rarchie initiatique. Les aĂźnĂ©s soulignent avec insistance que certains secrets sont trop profonds pour les cadets qui n’ont pas encore franchi telle ou telle Ă©tape initiatique. Le secret vaut donc autant entre initiĂ©s qu’à l’égard des profanes sĂ©paration absolue et formelle Ă  l’égard des profanes frontiĂšre externe, sĂ©paration continue et relative entre initiĂ©s frontiĂšre interne23. Ce n’est qu’entre nyima qu’il n’y a en principe plus aucun secret deux pĂšres initiateurs peuvent tout se dire. À qui connaĂźt beaucoup, on dit beaucoup ; mais Ă  qui connaĂźt peu, on dit peu. De lĂ  finalement le caractĂšre dĂ©ceptif du savoir initiatique. Les aĂźnĂ©s font tourner les cadets en rond avant de leur divulguer des secrets qui peuvent n’ĂȘtre que des mensonges, des histoires destinĂ©es Ă  embrouiller les enfants »24. Il est alors impossible de dĂ©terminer au final si l’on peut prendre pour argent comptant une rĂ©vĂ©lation ou si l’on est en train de se faire berner une fois de plus. 43Chaque sĂ©ance au bwΔnzΔ entraĂźne ainsi sa part de doute et d’insatisfaction. Toute divulgation d’un secret met en scĂšne une rĂ©tention qui en constitue le revers nĂ©cessaire je vais t’ouvrir le paquet du Mwiri. Mais je te donne seulement les trois-lĂ  [l’explication des trois scarifications initiatiques au poignet] mais pas celui-lĂ  [la marque du coude]. Je ne veux pas trop parler l’affaire lĂ . Il y a des choses que je cache pour les donner Ă  mes fils. » Au moment mĂȘme oĂč il est divulguĂ©, le savoir initiatique est prĂ©sentĂ© comme inadĂ©quat et insuffisant. L’enseignement initiatique ne repose donc pas sur un contrat tacite de comprĂ©hension comme la conversation ordinaire. Il prĂ©suppose au contraire qu’une comprĂ©hension totale est impossible. 44Pris entre les deux principaux leitmotivs de l’enseignement initiatique – dans le Bwete, tout a une explication » et le Bwete ne finit jamais »–, l’initiĂ© fait en dĂ©finitive l’épreuve d’un savoir Ă©nigmatique qui ne s’éclaircit pas au fur et Ă  mesure de sa divulgation, mais qui lui fait miroiter l’existence d’une vĂ©ritĂ© dĂ©sirable et cependant toujours ajournĂ©e. L’intĂ©rĂȘt portĂ© au savoir initiatique se nourrit ainsi paradoxalement de la dĂ©ception, du doute, de l’ambivalence et de l’insatisfaction. Plus l’initiĂ© s’enfonce et s’empĂȘtre dans les profondeurs secrĂštes du Bwete, plus le fond semble reculer, mais plus aussi cela renforce sa conviction qu’il y a une vĂ©ritĂ© plus importante au-delĂ  de ce qu’il a pu voir ou savoir. C’est bien ce qu’on peut appeler un piĂšge Ă  pensĂ©e, une chausse-trape de plus sur le chemin du Bwete. 45Un mĂȘme principe d’inachĂšvement se retrouve souvent dans les contes Ă©piques au Gabon. Ainsi, Mumbwanga conte bapunu procĂšde de digression en digression, littĂ©ralement de fourche dipaku en fourche Kwenzi Mikala 1997. Si bien qu’il est rĂ©putĂ© ne jamais finir Jusqu’à la mort, le Mumbwanga ne finira pas. » Le conteur s’arrĂȘte avec le chant du coq au matin la rĂ©citation est toujours nocturne sans avoir vĂ©ritablement achevĂ© son histoire Ă  tiroirs. Le terme de la rĂ©citation est donc en mĂȘme temps une promesse de continuation, puisque les raisons circonstancielles de l’arrĂȘt du conteur sont extĂ©rieures Ă  la logique interne du rĂ©cit Je m’arrĂȘte lĂ , mais le Mumbwanga ne finira pas. » La mĂȘme structure sans fin se retrouve dans Bitola conte Ă©pique des Bavove, mais aussi dans les Ă©popĂ©es du mvĂ«t des Fang dont P. Boyer 1988 a bien mis au jour les emboĂźtements baroques ». Le conte ne s’arrĂȘte accidentellement qu’avec le terme de la sĂ©ance de rĂ©citation et finalement avec la mort du conteur. De mĂȘme, le savoir initiatique s’interrompt artificiellement avec la fin du bwenze, et ne cesse en rĂ©alitĂ© qu’avec le dernier souffle de l’initiĂ© le Bwete ne finit jamais, sauf le jour de la mort ». 25 Ce que F. Barth avait dĂ©jĂ  repĂ©rĂ© chez les Baktaman the value of information seemed to be rega ... 46Mais la mort n’est pas seulement le terme accidentel du savoir ; elle est aussi le moment essentiel de sa divulgation. Dans le Bwete, la valeur d’un secret tient moins Ă  son contenu rĂ©el qu’au fait qu’il soit hors de portĂ©e d’un certain nombre de personnes. Valeur et diffusion du secret sont donc inversement proportionnelles. Pousser cette logique jusqu’au bout conduit au paradoxe du maximum le plus grand secret est celui qu’une seule personne possĂšde et qu’elle ne transmet pas25. Les initiĂ©s du Bwete font de cette antinomie le problĂšme central de la transmission du savoir initiatique. Si le savoir n’est pas transmis, la survie intergĂ©nĂ©rationnelle du Bwete est menacĂ©e. Mais si on le divulgue trop facilement Ă  trop d’initiĂ©s, ce savoir perd de sa valeur. Cette Ă©conomie du secret permet de comprendre le rĂŽle vĂ©ritable de la feuille aide-mĂ©moire tangimina et du paiement du savoir dire un secret, c’est le dĂ©valuer et donc le perdre. Ce drame de la transmission du savoir est gĂ©nĂ©ralement formulĂ© comme un conflit entre gĂ©nĂ©rations les jeunes gaspillent le Bwete, les anciens refusent de donner le Bwete. Le vieux, c’est celui qui sait mais ne dit presque rien Moi, je ne dis rien ou peut-ĂȘtre deux mots seulement. Les gens, ils savent dĂ©jĂ  que je suis kɔkɔ Kombi [un ancien du Bwete] ». 26 S’il faut toujours garder au moins un secret par-devers soi, c’est aussi pour ne pas donner prise ... 47Afin d’éviter Ă  la fois la dĂ©valorisation de son savoir initiatique pour cause de transmission et sa disparition pour cause de rĂ©tention, un pĂšre initiateur doit alors attendre le jour de sa propre mort pour divulguer ses secrets de plus grande valeur. Et s’il meurt sans avoir eu l’occasion de transmettre ce secret, il le dĂ©voilera post mortem dans un message onirique adressĂ© Ă  son hĂ©ritier. Les plus grands secrets ne se disent donc qu’à l’agonie Le maĂźtre a toujours un secret pour lui-mĂȘme personnel. C’est peut-ĂȘtre le jour oĂč il voit qu’il ne peut plus vivre qu’il va le dire Ă  quelqu’un. Mais tant qu’il vit encore, c’est avec lui dans la tĂȘte. Toujours une derniĂšre botte secrĂšte. Les enfants, tu vas leur parler des choses qui sont en haut. Mais en bas en bas, tu es obligĂ© de garder ça pour toi-mĂȘme. Jusqu’à ce que tu voies que tel enfant est assez mĂ»r, ou bien le jour de ta mort, tu vas lui lĂ©guer telle chose. »26 48Le rapport entre secret et mort est donc au principe de la logique de circulation du savoir initiatique. L’ultime divulgation indĂ©finiment diffĂ©rĂ©e garantit Ă  la fois la pĂ©rennitĂ© et la valorisation du Bwete. C’est le sens cachĂ© de l’expression le Bwete ne finit jamais, sauf le jour de la mort ». RĂ©tention et divulgation sont ainsi les pulsations Ă©lĂ©mentaires qui scandent la circulation des Ă©noncĂ©s initiatiques. . 182 141 458 7 60 258 461 497

a la recherche du savoir dissimulé dans le crane